À propos de l'altérité sexuelle
Par Mathieu le jeudi 21 novembre 2013, 22:06 - Philosophie - Lien permanent
Comme je ne me sens vraiment pas bien depuis quatre jours, c’est le moment de faire un billet complet sur l’altérité. Quelle altérité au fait ? L’altérité sexuelle. Celle dont on parle quand on essaie de justifier que « si les pédés ils sont pas comme nous c’est qu’ils l’ont bien cherché ».
En guise d’introduction, voici la phrase que l’on entend souvent depuis les manifestations contre le mariage pour tous : « de toute façon, les homosexuels sont narcissiques, cela se démontre chez eux par le refus de l’altérité sexuelle, qui mène à aimer un autre identique à soi ».
Beaucoup de choses dites en peu de mots, procédons comme d’habitude : dans l’ordre.
L’altérité
C’est quoi l’altérité ? L’altérité c’est juste un mot compliqué pour signifier « la différence ». Je suis différent de toi, donc il existe une altérité entre nous. Le mot vient de la racine latine alter qui signifie « l’autre ».
Mieux, Wikipédia nous dit que l’altérité c’est la : « reconnaissance de l’autre dans sa différence, aussi bien culturelle que religieuse ». Derrière l’altérité il y a donc une question de différence, mais aussi d’acceptation de cette différence. Ce qui explique la conclusion de la phrase que nous étudions : refus d’altérité = refus de celui qui est différent.
Je vais aller plus loin et ajouter que l’altérité c’est la reconnaissance et l’acceptation de l’autre dans sa différence.
L’altérité sexuelle
La notion semble simple, mais en fait non. L’altérité sexuelles n’est pas simplement « reconnaître l’autre dans sa différence sexuelle ». Tout d’abord parce qu’elle n’entraîne pas nécessairement une vision dualiste des sexes. Il pourrait y avoir trois ou même cent sexes différents, on parlerait alors aussi d’altérité sexuelle vis à vis de chacun d’eux. Oui, chez l’homme il n’y a que deux sexes biologiques reconnus, mais cela démontre que le propos peut être plus large qu’à première vue.
L’altérité sexuelle se comprend donc comme « je suis un homme, tu es une femme, nous sommes différents mais nous avons la même valeur ». Oui, car une différence de valeur irait à l’encontre de l’acceptation de l’autre dans la différence : il y aurait différence qui appauvrirait l’autre, par rapport au premier.
Pour continuer à élargir le propos, en fait il y a l’altérité sexuelle « biologique » et l’altérité sexuelle en rapport avec la sexualité, c’est à dire qu’on peut aussi comprendre l’altérité sexuelle comme l’acceptation de l’autre dans sa sexualité différente de la notre. Le propos commence à se fissurer, puisque on voit dans ce cas que porter un jugement de valeur sur une personne homosexuelle reviendrait à renier son altérité sexuelle.
Le refus de l’altérité sexuelle
Reprenons, la phrase nous dit que renier l’identité sexuelle est la raison pour laquelle les homosexuels sont attirés par des personnes du même sexe : ils chercheraient des gens qui leur ressemble, donc du même sexe.
D’abord, il y a constamment un refus de l’altérité chez les gens qui portent ce genre de propos : la xénophobie, le racisme, ce sont aussi des refus de l’altérité. Rester entre gens bien pensants à juger les homosexuels comme des chiens galeux bons à enfermer, c’est un refus de l’altérité sexuelle, et de l’altérité du genre humain en général.
Enfin, je ne comprends pas pourquoi le refus de l’altérité s’exprimerait dans le fait que deux personnes s’aiment. Oui, les couples ont besoin d’être constitués de deux personnes dissemblables ; mais avec des points communs et aussi des divergences. Les homosexuels ont juste acquis comme état de fait qu’ils ont besoin d’une personne du même sexe pour être épanouis dans leur relation, tout comme on pourrait rechercher quelqu’un avec les mêmes goûts musicaux. Ce n’est qu’une petite partie de leurs critères de décision.
Le Narcissisme
La question est vaste. C’est vrai que le narcissisme est lié, à un rapport charnel à soi même, et donc à la sexualité. Mais la conclusion est beaucoup trop rapide : le rapport charnel à soi, ce n’est pas l’homosexualité, c’est la masturbation. Aucun rapport entre partager des sentiments, même avec une personne de même sexe, et le plaisir égoïste entraîné par la sur-expression de sa propre personnalité.
En conclusion
Nous avons vu que le sens de l’altérité sexuelle est à double tranchant. Nous avons vu que parler de refus de l’altérité pour deux personnes qui s’aiment est un non-sens. Nous avons aussi commencé à apercevoir que ceux qui posent des jugements sur la sexualité des autres sont en réalité eux aussi en train de refuser une forme d’altérité.
Nous pouvons donc conclure sans trop de risque de se tromper que la phrase, derrière un vocabulaire compliqué, est en réalité absurde. Elle présente un non-sens grâce à une conclusion trop rapide faisant le lien entre altérité sexuelle, narcissisme, et homosexualité.
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout, n’hésitez pas à apporter votre pierre à la réflexion dans les commentaires. :)
Pour compléter, voir l’article : « Altérité homophobe » sur un blog du Monde.