Questions bêtes #0 : Introduction
Par Mathieu le vendredi 10 janvier 2014, 21:40 - Questions bêtes - Lien permanent
Ce billet me sert d’introduction pour une nouvelle catégorie que je viens d’ajouter au blog : les questions bêtes.
J’ai toujours été étonné de la réaction des gens quand je leur annonçait que j’avais une question bête à leur poser. Entre les « il n’y a pas de question bête » et les « je ferai une réponse bête », je n’ai jamais vraiment compris les motivations derrière ces réactions.
Car pour moi il y a vraiment des questions bêtes, et c’est justement celles qui sont intéressantes. Une question bête est une question simple, souvent anodine, sur un sujet que tout le monde estime avoir compris, qui est donc considéré comme acquis lors de nos échanges avec les autres, et qui pourtant mérite une réponse de plus d’une phrase.
La réponse fait naître la question, pas l’inverse
Derrière le concept de la question bête, il y a surtout la réponse. La réponse donne le sens de la question. Une question où l’on connaît la réponse est ce que l’on appelle une question rhétorique, elle ne sert que de levier pour un argumentaire, et n’apporte aucun supplément de connaissance, ni à celui qui la pose, ni à celui qui y répond.
La réponse à une question bête doit donc être construite, il faut prendre le temps de commencer la réponse pour arriver jusqu’au bout, on ne peut pas lancer la réponse comme si elle tombait sous le sens. Une question bête qui amènerait une réponse évidente (évidente pour celui qui la pose, pas celui qui répond), ce ne serait pas une question bête, mais une question stupide.
Respondeo Interruptus
À mon sens, derrière la question bête, il y a aussi une seconde. Pas une seconde question, mais une seconde de temps. Oui, vous savez, cette seconde. Celle qui suit la fin de la question. Vous vous apprêtiez à répondre et … Vous faites une seconde de silence. Pourquoi ? Parce que vous venez de bloquer votre réponse spontanée en vous rendant compte que la réponse est plus compliquée qu’à première vue, et que la question simple que l’on vous a posé, bien qu’anodine, sur un sujet considéré comme maîtrisé par tous, relève en réalité de quelque chose de plus complexe que le sens commun. Et donc qu’il faut prendre le temps d’expliquer.
C’est pas difficile, c’est juste un peu plus compliqué
Des questions bêtes on m’en pose tous les jours, et j’en pose tous les jours. Souvent cela vient d’une différence de contexte. Je considère comme acquis un ensemble de connaissances, et en parlant d’un sujet, mes interlocuteurs n’ont pas posé les mêmes bases que mon au début de la conversation. Par l’angle différent qu’ils prennent avec mes propos, il leur vient une question inattendue sur le sujet, et c’est bien souvent une question bête.
Je ne sais pas si je devrais demander, mais…
La question bête est presque toujours inattendue, mais elle est aussi souvent honteuse. Relativement peu de gens osent m’interrompre quand je commence à expliquer. Lorsqu’on est en groupe, je demande toujours qui dans le groupe estime avoir le moins de connaissances sur le sujet, et je demande à cette personne de se manifester pour porter la voix du groupe lorsqu’il y a quelque chose qui ne colle pas dans mon explication. Lorsqu’elle prend confiance en elle, cette personne devient par la suite un vrai catalyseur à questions bêtes, et bien souvent ressort en ayant une meilleure connaissance sur le sujet que ceux qui ont tout compris dès le départ. Simplement parce qu’elle a posé quand il le fallait les questions qui entravaient son raisonnement.
Quand on a une question au milieu d’un cours, ne pas la poser c’est se la mettre de côté, et comme un caillou dans une chaussure, cette question va rester là à gêner l’assimilation du reste de l’exposé. La solution peut être d’écrire la question pour la libérer, mais il est important de la poser à la fin de l’exposé si elle n’a pas été répondue, autrement la relecture des notes après le cours provoquera le même blocage que celui qui est apparu pendant le cours.
Les enfants, champions des questions bêtes
Mais les spécialistes des questions bêtes, ce sont les enfants. Pourquoi ? Parce qu’il y a quasi systématiquement une différence de contexte entre ce que dit un adulte et ce que comprend un enfant. N’ayant pas le modèle de pensée des adultes, n’ayant pas tous les acquis nécessaires pour avoir une vision d’ensemble du sujet, un enfant posera toujours une question bête quand une explication n’est pas satisfaisante, sauf s’il n’ose pas.
Le enfants sont aussi les champions des questions ouvertes, en particulier celle qui se résume souvent à un seul mot : « Pourquoi ? ». Demander « Pourquoi ? » est presque toujours une question bête, on y retrouve le fait que la question soit simple, qu’elle viennent d’une différence de contexte, et que la réponse complète soit bien souvent plus longue qu’une simple phrase.
Pour conclure
Alors me direz vous, pourquoi avoir écrit un si long article d’introduction à ma série sur les questions bêtes ? Tout simplement parce que demander « c’est quoi une question bête ? », c’est déjà une question bête, et il fallait donc y répondre convenablement.
À très bientôt sur le blog. :)