On se demande souvent dans la vie, souvent au plus mauvais moment, où est notre place dans la société. Ce qu’on veut faire, ce pour quoi on est doué. La réflexion porte le plus souvent sur un travail, quelque chose qui va rapporter de l’argent, ou sur une passion qu’on développerai pour devenir un expert dans le domaine.

C’est un peut ce qui m’est arrivé. Quand j’étais au collège j’aimais bien l’informatique, alors j’ai fais un bac S. Ensuite, au lycée, je me suis mis à écrire des programmes et j’ai trouvé ça valorisant.

Ensuite, j’ai fais ce qui semblait s’imposer pour moi : je suis allé à la fac pour devenir informaticien « de haut niveau », c’est à dire terminer avec un Master en Génie Logiciel. Un peu parce que c’était la route pré-tracée, un peu parce que ce qui m’intéressait c’était modéliser et résoudre des problèmes avec l’informatique.

Finalement, après avoir travaillé en entreprise, je me suis dit que je m’étais peut être trompé. Peut être que j’aurais dût continuer et faire de la recherche en informatique fondamentale, travailler à résoudre des vrais problèmes, et ne pas être une vache qui pisse du code pour les intérêt d’un client qui ne comprend strictement rien à ce qu’il demande.

Pourtant, j’aime bien rendre service. J’aime bien satisfaire un client en lui fournissant la solution dont il a besoin au moment où il a besoin. Mais je n’aime pas qu’on m’explique ce que doit être mon métier, ou que l’on exige de moi des compétences que je n’ai pas.

Je n’aime pas les openspaces. Je n’aime pas travailler sous des contraintes de budget arbitraires. S’il faut cinq jours pour implémenter la chose comme le client le veut, alors je prendrai cinq jours et pas trois.

On dit qu’en informatique on ne peut pas garantir à la fois les fonctionnalités livrées et le temps de livraison. C’est totalement vrai, pour ma part. Je peux livrer quelque chose de fonctionnel pour une date donnée, mais je ne peut pas garantir ce qui sera dans la livraison si on me donne un délai, qui sera de toute manière toujours trop court pour terminer la tâche.

Alors je suis peut être un mauvais informaticien. Je suis certainement inadapté à la vie en entreprise. Je suis absolument inconstant dans mon travail et j’ai besoin de résoudre de nouveaux problèmes tous les jours, sans pratiquer la même discipline toutes les semaines (oui, l’informatique c’est assez vaste pour que je ne fasse pas la même chose toutes les semaines : modélisation logicielle, architecture système, implémentation, configuration…).

Alors ? Un informaticien médiocre ? Un hyperactif à tendance schizophrène ? Pourquoi c’est toujours difficile pour moi de répondre à la question « Tu fais quoi dans la vie » ?

C’est bientôt mon anniversaire, et à mesure que je me rapproche du quart de siècle, j’en viens à la conclusion déprimante que je ne suis peut-être qu’un « fixer »1. Quelqu’un d’indispensable qui facilite votre relation à l’informatique, un généraliste qui n’est pas expert mais qui a assez de connaissance théoriques pour réaliser rapidement les bricolages nécessaires à l’utilisation efficace (i.e. productive) de l’informatique dans votre quotidien. Quelqu’un qui apparaît comme brillant quand on lui offre un problème et le temps pour le résoudre, mais incompétent de manière générale. Quelqu’un qui est capable de trouver des solutions à vos problèmes, de développer et entretenir ces solutions, mais quelqu’un à qui on ne peut pas confier de responsabilités managériales ou enfermer dans la constance d’un travail répétitif et stressant.

La mauvaise nouvelle c’est qu’aucun travail nécessitant ces qualités n’existe. On externalise tellement l’informatique qu’on se retrouve avec des armées d’experts incapables de communiquer entre elles, et les entreprises n’investissent plus pour embaucher des informaticiens « généralistes » en interne. Des gens capable de faire de la formation, de communiquer et de traduire le travail des experts, quelqu’un qui a la mission de faciliter votre rapport à vos outils, quelqu’un capable de dire « non » à des commerciaux qui viennent vous vendre la lune.

J’ai peut être fait trop d’études, ou je n’ai « pas assez d’expérience » pour obtenir un travail comme ça. La seule chose dont je suis à peu près sûr, c’est que moi, pour ma part, j’y comprends rien en informatique. 

 

Et vous ?


1. Hacker/Fixer : A person (usually possessing thorough knowledge in no single field), who is talented at devising superficial “fixes,” which are nothing more than auxiliary work-arounds for problems which eventually have to be solved “correctly” by a “trained professional”.

Voir aussi : The Fixer’s manifesto.