CROUS™-Magazine : Alors Alain, on vous doit déjà pas mal de réussites au sein du CROUS™, vous avez mit en place avec succès des élections de délégués dans les résidences, vous avez mit en place le plan « Grand CROUS™ » et vous êtes également l'auteur de nombreux ouvrages à succès comme « L'étudiant d'hier et d'aujourd'hui : une rétrospective anthropomorphique globale par la méthode des invariants » ainsi que « Manger : le besoin étudiant le moins primaire », alors expliquez nous ce que représente pour vous cette évolution, le langage étudiant est il vraiment un langage ? La communication est elle un atout ou un frein à l'intégration de l'étudiant en société ?

Alain Duchateau : Haha, vous commencez fort ! Déjà il y a deux questions, je vais commencer par la première. Il est évident que vous êtes journaliste et que par conséquent vous dites des énormités sans le savoir, alors je vais corriger : l'étudiant communique par une agitation labiale complexe mettant en oeuvre des sons, mais ce n'est pas à proprement parler un langage car ces sons ne sont pas structurés, c'est du bruit qui selon l'intensité sonore ou la fréquence exprime des émotions, ainsi un étudiant remplit d'allégresse dira quelque chose comme « aaaaaaaaaaa coooooooomaaaaaanssaavabiuuuuunnncemaaaaaaatuuuuuummmmm », et il exprimera la perplexité de manière plus brève, avec un son comme « hoooo ». Pour répondre à la seconde question, je dirais qu'il est trop tôt pour le dire, le phénomène est en pleine redécouverte, rappelez vous lorsque nous avons entrepris de repeindre certaines chambres étudiantes et que nous avions découvert une nouvelle espèce d'étudiants vivant dans le noir total et ayant développé leurs propres schémas sociaux, les étudiants n'ont décidément pas fini de nous surprendre !

CM : Mais Alain, si ce n'est pas un langage, comment est-ce possible que les étudiants communiquent ? Quel est l'usage réalisé par les sons produits ?

AD : Alors le fait qu'il n'y ai pas de langage ne signifie pas qu'il n'y ai pas de communication, la communication existait en réalité bien avant, et ce nouvel outil n'est que l'évolution logique des comportements, bien qu'il soit, je le répète, trop tôt pour tirer des conclusions sur un rapprochement homme-étudiant.

CM : D'accord Professeur, nous avons compris que la communication était déjà présente, pouvez vous nous dire de quelle manière et comment cela a influé sur les comportements des étudiants ?

AD : Alors si vous lisez mon livre « L'étudiant d'hier et d'aujourd'hui »,  vous apprendrez que la socialisation de l'étudiant a en réalité été effectuée, bien malgré eux, par les services de gestion de la menace étudiante (l’ancêtre de notre CROUS™). Ces derniers, en construisant des résidences insalubres pour accueillir les étudiants, les ont excessivement rapprochés, au niveau physique, sonore, et olfactif, et ces étudiants ont alors commencé à prendre conscience de la présence de semblables, ce qui a mené à des affaires tragiques comme la victoire de l'OM en 1990, mais heureusement c'est du passé. Une fois la première approche enclenchée, le besoin de socialisation est devenu de plus en plus pressent. Pour éviter l'explosion des résidences universitaires, l'état a réalisé grâce à son plan « Banlieues » en 1995, 2004, 2006, 2007, 2008, 2009, et 2012 des aménagements : il a été mit en place dans tous les espaces d'accueil des étudiants des « oasis » que nous avons nommé « cuisine » en partenariat avec les grandes enseignes d'électroménager. Ces lieux, ouverts sur l'extérieur, libres d'accès, étaient de véritables laboratoires de socialisation : l'étudiant s'est mit à se voir, se revoir, se recevoir, c'était vraiment fascinant de découvrir comment ces étudiants créaient les premiers liens sociaux, nous avons réussi à filmer des scènes très touchantes où l'on voit un étudiant de sexe féminin (une étudiante, ndlr) fournir un flacon de chlorure de sodium en poudre à un étudiant de sexe masculin, ce dernier ne sachant comment la remercier et se contentant de balancer ses bras d'avant en arrière, dispersant la poudre à travers le couloir en signe de gratitude. Et à présent la socialisation est totalement rentrée dans les habitudes de l'étudiant, ce qui fait le succès de Facebook, qui a d'abord été accueillit comme une révolution pour tous ces étudiants qui se découvraient aux autres. Le langage est l'étape suivante inévitable.

CM : C'est brillant professeur -- Merci. -- Vous venez de résumer en quelques mots l'ensemble du processus de socialisation de l'étudiant, mais alors pour en revenir aux thèmes de ce soir, quelle est la dynamique de groupe mise en place ?

AD : L'étudiant étant devenu un animal grégaire, le groupe est très important, bien au dessus de l'individu, le groupe a ainsi une dynamique qui lui est propre : le groupe n'a pas de hiérarchie fixe, c'est plus ou moins celui qui produira le plus de sons ou alors qui s'exprimera le plus fort qui en sera le leader charismatique. C'est d'ailleurs semblable à une dynamique de basse cour, il y a beaucoup de similitudes entre le gallinacé et l'étudiant, je pense que nous aurons l'occasion d'en rediscuter. Lors d'une rencontre entre un étudiant et un groupe, ou de deux étudiants seuls, ou même de deux groupes d'étudiants, ce qui, au passage, est beaucoup plus rare, nous avons l'occasion unique d'étudier, grâce aux oasis, les groupes d'étudiants. En effet, chacun des membres du groupe doit saluer bruyamment le nouveau venu, formant une vague sonore dont la tonalité unique nous permet, à nous scientifiques, de repérer de manière unique le groupe ainsi que ses membres. Le nouveau membre est alors inséré dans le groupe, où il peut commencer à jacasser avec les autres. En utilisant ces éléments via des outils d'analyse de fréquences associés à une approche neuro-constructiviste dans un référentiel diophantien, nous faisons pratiquement une découverte chaque semaine, c'est passionnant !

CM : Mais que se disent-ils de si intéressants, au passage ?

AD : Ha ça nous ne le savons pas encore, peut être que nous pourrons bientôt développer, avec le projet ULTRA un système de traduction automatique, mais le projet coûte très cher, et il est encore en débat à l'assemblée. Il est connu du grand public par le nom « Carte musique jeune », c'est un dispositif d'écoute automatique des réactions à des stimulus précis afin d'en déterminer le sens, un moteur d'inférence se chargeant d'exploiter la base de connaissances ainsi obtenue pour traduire automatiquement les sons, mais je ne veux pas vous noyer de détails techniques.

CM : Nous avons évoqué au début de cette émission la période du rut, pouvez vous nous en dire plus ?

AD : La période du rut dure en général chez l'étudiant environ 400 jours par an, elle se compose de l’apparition de comportements spécifiques lors de la présence du sexe opposé. Notons que ce sont en général les individus mâles les plus démonstratifs, les femelles préférant se laisser charmer. Grâce aux Oasis, nous avons pu observer ces comportements et les comprendre. Imaginons qu'un étudiant de sexe féminin se présente pour s'intégrer au groupe, on note immédiatement de la part des individus mâles une hausse dans l’intonation de leur voix, un gonflement de la poitrine, et un piaillement plus rapide, ces derniers tournent ensuite autour de la femelle tout en repoussant plus ou moins pacifiquement les avances des autres mâles, la femelle n'a alors plus qu’à choisir son favori. Nous remarquons une nouvelle fois que ce comportement est très proche de celui du gallinacé, même si la proportion de mâles et de femelles est inversé dans notre cas (une femelle pour plusieurs mâles). Mais il apparaît très clairement que les mâles étudiants se comportent exactement de la même manière que les coqs dans une basse cour, ce qui nous a fait penser au début à un lien génétique existant et une possible descendance de l'étudiant du coq, mais des tests génétiques récents invalident ces hypothèses, l'étudiant n'a pas encore fini de nous livrer ses secrets !

CM : Et en ce qui concerne le rapport au langage, qu'est-ce qui a changé ?

AD : Nous avons relativement peu de données, puisque le langage est apparu à peu près au moment où nous avons commencé à exploiter les oasis, nous ne savons pas grand chose des modes de fonctionnement du jeu de séduction avant l'apparition du langage, mais il est probable que les étudiants, au lieu d'utiliser leur voix, utilisaient des outils pour exprimer à la femelle en chaleur leur désir de procréer.

CM : Comment, par exemple ?

AD : Eh bien tout simplement en frappant en rythme contre les murs ou contre des objets divers, nous pensons que la fréquence de battement de ces rythmes, de même que pour le son de la voix, stimule et active le processus d'ovulation, permettant ainsi une reproduction plus aisée, mais ce n'est encore qu'une hypothèse que les expériences en laboratoires nous permettront peut-être de démontrer.

CM : Professeur, je vous remercie d'avoir participé à notre émission.

AD : Merci de m'avoir invité.

La semaine prochaine dans CROUS™-Magazine vous retrouverez vos rubriques habituelles et l'invité de cette édition sera Bernard Dluo qui nous expliquera comment il a pu réaliser des économies sur le budget du CROUS™ en donnant aux étudiants de la nourriture « périmée mais pas encore », concept qu'il détaillera pour nous. Portez vous bien et à la semaine prochaine !