Depuis que mon point de vue sur moi même a changé, je me suis toujours interrogé sur la nécessité, le besoin, ou même l’utilité du coming out pour les homosexuels. Après tout, ce qui relève de la sphère du privé ne regarde que moi, il n’y a pas de nécessité d’avoir une attitude revendicative vis à vis de ma sexualité.
C’était un moyen comme un autre de faire l’autruche, cette attitude a plusieurs côtés pervers, entre autre la non reconnaissance en tant que personne « différente », ce qui provoque finalement une fermeture aux autres sur certains sujets, et c’est le meilleurs moyen pour se morfondre tout seul lorsque le besoin de parler s’en fait sentir.
Le coming out, littéralement, « la sortie », « avouer » en quelque sorte des sentiments qui rongent depuis longtemps, comme si parler aux autres permet de mieux se recentrer sur soi même, une dynamique autocentrée de l’expression du moi à travers un public, similaire à une séance de psychanalyse, ou à un sketch devant une salle comble. Parce que au final c’est plus que « voilà, en fait, j’aime la bite », c’est une reconnaissance de soi même au travers des autres, qui provoque finalement un changement de regard, en bien ou en mal, du public vis à vis de la personne qui s’exprime.
En bien, car ces derniers auront peut être plus de tolérance vis à vis des personnes exprimant elles aussi leurs préférences amoureuses, que leur regard sur certaines questions, pourtant cruciales mais bien souvent écartées, telles que le mariage ou l’adoption pourrait se montrer amélioré, étant directement concerné par le syndrome du « mais si tu es gay, je n’aurais pas de petits enfants ». Pour soi même également cela peut avoir un impact bénéfique : ne plus agir en se cachant, ne plus être obligé de faire semblant, finalement, être soi même.
En mal, car il arrive que cela finisse par éluder les questions, le regard change, les interlocuteurs s’autocensurent, ils n’osent pas exprimer ce qu’ils ne comprennent pas, ils ne savent plus comment réagir vis à vis de certaines plaisanteries, ou de certaines remarques, attitudes, qui leur semblaient tout à fait normales, ils cherchent finalement ce qui est différent des autres, ils éprouvent le besoin de coller une étiquette sur vos gestes, comme pour se rassurer sur le fait que « ha lui il fait ça, mais c’est parce que … enfin … une théière quoi ». Ils peuvent vous imaginer coucher avec d’autres personnes, bien que cela n’ai jamais tué personne, le fait que cela soit vis à vis d’un comportement qu’ils ne comprennent pas, face à une sexualité inconnue, ils sombrent souvent dans les clichés les plus noirs (« celui qui fait la femme »), et tentent une nouvelle fois de vous mettre une étiquette passif/actif/sodomite. On n’est pas à l’abri non plus d’agressions verbales ou physiques ayant pour motif son orientation sexuelle.
Mais tout ceci n’a finalement pas d’importance, l’important c’est ce qui est important pour soi. Finalement, le coming out, loi d’être une révélation ou un soulagement des proches, est surtout une étape dans la reconnaissance de soi, l’affirmation de sa personnalité, et la revendication de ce que l’on est, c’est quelque chose de profondément égoïste, une étape nécessaire comme peuvent l’être les moments les plus importants de la vie comme la première petite amie, la première voiture, ou encore le baccalauréat.
Mais, mais, ça ne répond pas à la question : pourquoi nécessaire ? Pourquoi indispensable ? Pourquoi utile ?
Commençons dans l’ordre : pourquoi nécessaire ? Nécessaire car hors norme. Oui, l’homosexualité n’est pas considéré comme une norme, c’est même parfois considéré comme un comportement déviant, à partir de ce principe, on est tous considéré comme hétérosexuel « par défaut », et pour ma part, de l’avis d’un informaticien pratiquant l’administration système à ses heures perdues, le « par défaut », c’est le mal.
C’est comme si on avait tous finalement un bouton positionné sur « hétéro » à la naissance, et qu’il est nécessaire de positionner soi même en réglage manuel vers la bonne option. Un bouton, dans tout ce qu’il a de binaire, « hétéro — pas hétéro », alors que bien souvent, la chose est autrement plus complexe. Le coming out a pour vocation, non pas de placer le bouton dans une nouvelle position définitive, mais je pense de casser le bouton, supprimer l’étiquette associée, et démarrer sans contraintes une nouvelle manière de s’identifier à une communauté ou à une autre. Il y a une époque l’on aurait dit « Maman je suis communiste », de nos jours c’est « Maman je suis gay ».
Pourquoi indispensable ? S’assumer, voilà le maître mot, l’ultime but finalement atteint en général par le coming out. Indispensable car on ne peut pas vivre heureux en se mentant à soi même tous les jours, en supportant les sourires et les attitudes convenues, et en regardant d’autres profiter ce ce qu’ils sont en réprimant ses propres sentiments et ses propres envies. Indispensable donc pour pouvoir vivre tout simplement. Cette étape, souvent difficile, qui est commune à tous les homosexuels, transsexuels et autres est tellement cruciale, que les statistiques en reflètent la triste tragédie : la première cause de mortalité chez les jeunes homosexuels, c’est le suicide.
Pourquoi utile ? Je pense que si vous avez lut jusque là vous ne pouvez que vous en convaincre, un coming out est utile, même s’il amène souvent aussi des complications, il y a des jeunes qui se font chasser de chez eux, battre par ceux qui étaient pourtant considérés comme des amis, on n’est pas à l’abris de situations tragiques, mais la révélation de ces comportement de rejets est aussi une des utilités du coming out : rejeter ce qui vous fait du mal pour s’accepter en tant que tel et vivre heureux, tout simplement.